Et la polémique fait rage, autour du "off"... Ah, le off ! Ce serpent de mer du journalisme dont la plupart d'entre vous (et de nous) ne savions même pas, il y a quelques années encore qu'il était une pratique courante. Ce off qui nous fait déjeuner avec les responsables politiques, recueuillir leurs confidences, les publier. Ou pas.
Franchement, je dois d'abord avouer que j'ai longtemps été loin de tout ça. Comme reporter et correspondant à l'étranger, sur un tremblement de terre, au milieu d'une inondation, après un attentat, face à l'armée israélienne ou les activistes palestiniens, il n'y a pas de "off". Tout est "on", franc, massif et parfois avec une violence inouie.
Voilà peut-être pourquoi j'ai été tellement surpris de la banalité du "off" en politique et pourquoi j'ai si peu de scrupules à publier ces bons ou méchants mots qui nourrissent largement, par ailleurs, les colonnes confidentielles de vos journaux et agitent le microcosme et les grenouilles parisiennes.
Définition : off (mot d'or. ang.). conversation hors antenne et calepin que tiennent politiques et journalistes pour éclairer l'actualité, les décisions prises, les stratégies en cours et accessoirement balancer quelques vacheries, de préférence sur les copains. Expr. : "bien entendu c'est off", popularisée par le livre de Daniel Carton (dont on me dit qu'il en prépare un troisième chez Albin Michel mais, chut, c'est off).
Où se délivre le "off"? Un peu partout, dans les diners, les déjeuners, les petits déjeuners (de travail...), lors de conversations d'après émission, entre deux scéances à l'assemblée, pourquoi pas dans un avion (le "vieilli, usé, fatigué" de Jospin). Partout.
que se dit-on ? Le plus anecdotique et le plus intéressant.
Une Michèle Alliot Marie, vous raconte ainsi en mars 2005 pourquoi selon elle, son expérience des affaires militaires, de la coopération européenne en matière d'armement, la rendent crédible pour Matignon (alors qu'officiellement Jean-Pierre Raffarin vient d'être à nouveau adoubé par le Président). On y apprendra qu'elle prépare un livre, qu'elle envisage de créer un club. Qu'elle a un préparateur physique. Toute sortes d'informations qui permettent de mieux cerner le jeu (on sait qu'il s'en est fallu d'un cheveu pour qu'effectivement elle soit nommée Premier Ministre le 30 mai 2005). On a vu ce week-end à l'UMP que les ailes avaient continué malgré tout à lui pousser dans le dos...
Mais on se balance aussi des vacheries. On traite tel ambassadeur de "crétin", on sous-entend que telle ou tel s'est fait refaire ci ou ça... Une paupière, un coup de botox. Bref, on se lâche... Et parefois, on joue du triple bande en sachant parfaitement à qui l'on parle. Car bien entendu, c'est off ("si vous publiez, je le nierai"), mais bien entendu, c'est aussi fait pour être publié.
Je me souviens avoir soumis à Dominique de Villepin à l'automne en 2002 lors d'un petit déjeuner le contenu d'un confidentiel du Nouvel Observateur. Titre : "Villepin à Bercy". Le billet racontait comment ce fidèle de Jacques Chirac se serait mis sur les rangs pour succéder à Francis Mer, dit "John Wayne" (ministre de l'Economie à l'époque déjà très bousculé).
"- C'est vrai ? Lui ai-je demandé benoitement."
Il m'a regardé comme si je descendais de la Lune, a levé les yeux au ciel d'un air exaspéré et m'a répondu :
"- Mais enfin, vous ne voyez pas que c'est du Sarkozy ? Il veut Bercy. Mais pour y paraitre légitime, il faut d'abord déboulonner le titulaire. En faisant dire par son escouade de lieutenants que je veux la place, il accrédite l'idée que Mer est affaibli. Et il évite de dire que c'est lui qui en fait brigue le poste."
Manip ou pas, 12 mois plus tard, Francis Mer était remercié et Nicolas Sarkozy faisait son entrée à Bercy.
Quand à Dominique de Villepin qui est devenu premier ministre depuis, il n'est pas le dernier à maitriser cet art subtil. Ses talents de "passeur de off" et de destabilisateur de juges avaient fait merveille lors du septennat tourmenté de Jacques Chirac. Il était alors secrétaire général de l'Elysée et s'était fait une clientèle de journalistes influents qu'il alimentait régulièrement d'infos croustillantes ou confidentielles. Franz-Olivier Giesbert a reconnu recemment dans la "Tragédie du Président" qu'il était de ceux là.
Mais attention : il y a aussi le faux "off"? celui que l'on vous murmure pour intoxiquer la galerie ou pire : vous faire chuter.
Ainsi cette information murmurée à l'oreille d'un responsable du Monde le jour d'une sortie du président à Avignon en 2002 : "Il y a va mais il n'annoncera pas sa candidature". Le président parle à midi, à l'heure ou le journal est déjà sous presse. Confiante, l'équipe éditoriale titre donc : Jacques Chirac à Avignon, le president ne s'est pas déclaré candidat. Lorsque le journal arrive en kiosque les radios et les télés ne parlent déjà que de l'entrée en campagne du président ! Entre l'équipe d'Edwy Plenel, qui s'était fait un large écho des affaires chiraquiennes, et l'Elysée, la vengeance visiblement se mangeait froide. Et très salée.
A la même heure, 11h30, dit-on, Patrick Poivre D'arvor sortait lui du bureau de Dominique de Villepin avec en poche pour 20 heures la première intervention télévisée du président-candidat. Ca ne l'a pas empéché de l'étriller sur le cas Didier Schuller.
Dans la même veine on pourrait raconter comment Olivier Mazerolles, à l'époque patron de l'info de France 2 et peu en cours auprès des chiraquiens, a décidé de titrer à 20 heures sur le retrait d'Alain Juppé, parce qu'un proche de Jacques Chirac lui avait affirmé que ce serait le cas. Juppé, à cette heure là n'avait pas encore annoncé sa décision et pour cause... Il était l'invité de TF1. Ou il dira... Que non, pas tout de suite... On connait la suite.
Alors qu'en conclure ?
Que le off est une gigantesque opération d'intox et de manip ? En partie, mais ce serait sans doute aller trop loin. Je maintiens qu'il n'est jamais mauvais d'aller à la pêche aux infos, ce qui bien sûr ne nous oblige pas à avaler l'hameçon.
Que les journalistes ne doivent plus voir les politiques hors antenne ? C'est un choix fait par certains et par exemple Stephane Paoli de France Inter. Moi, j'avoue que j'aime discuter politique avec ceux qui la font.
Que rien n'est "off", alors, et que tout doit être publié ? C'est l'avis d'un Guy Birenbaum, qui dit en substance que si vous ne voulez pas que l'on publie alors autant ne rien dire. Je dois dire, au vue de ma modeste expérience, que le petit jeu du "off, presque on", "du off mais bon...", de "Madame l'entourage" et du "off, off" me fatigue un peu. Mais je reconnais aussi que le off à l'avantage d'éclairer sur les rapports de force et aide parfois à affiner les questions que l'on posera... A d'autres.
Par ailleurs, lorsqu'un intelrocuteur, une source, vous fait une confidence, et vous demande explicitement (ce qui est rarement le cas) ne pas en faire état immédiatement, j'ai tendance à lui garantir au moins l'anonymat. Tout le monde ne partage pas cet avis.
Pas facile, n'est-ce pas ?
J'attends vos suggestions.
D'accord pour le "OFF" ,mais si en "OFF" la personne interwieuvée dit le contraire de ce qu'elle a dit en "ON " ,qu'elle doit ètre la position d'un journaliste "Indépendant" ???
Rédigé par : coleano | vendredi 15 décembre 2006 à 01h58
Bha ui c'est toute la question.... :s
Rédigé par : côme | vendredi 15 décembre 2006 à 12h32
Si les journalistes savaient mieux s'exprimer la question ne se poserait pas.
Rédigé par : Pascal L. | vendredi 15 décembre 2006 à 14h16
Vous pensez Pascal que c'est juste une question de sémantique? Au risque de me répéter selon moi le off est une chimère car le journaliste et le politique savent tous les deux que ce petit jeu "on/off" peut être une façon de jouer avec l'autre comme l'explique M. Bazin dans sa chronique.
Tout n'est pas aussi facile j'imagine... mais la question de Coleano demeure...
Rédigé par : côme | vendredi 15 décembre 2006 à 15h26
Pour moi il est évident que quand un homme politique parle en "off", il sait qu'il court le risque que ses propos soit rapportés (quand il ne l'espère pas). C'est là je pense que doit intervenir "l'art" du journaliste, qui doit trouver un moyen politiquement correct de présenter l'info glanée en "off" (si tant est qu'elle existe). Laurent Bazin le dit lui-même, il s'est rendu au déjeuner avec Sarko dans le but, entre autres, de glaner des infos. Nous ressassons éternellement ce sujet parce que le commentaire de Laurent Bazin a été retiré à la demande de sa chaîne, mais l'événement en lui-même est assez anecdotique, et la décision unilatérale du retrait plutôt maladroite vu le retentissement... Si le commentaire avait été maintenu, tous les blogueurs penseraient sans doute que l'on passe très naturellement et sans bobo du "on" au "off", non ? Ce qui semble d'ailleurs être le cas général.
Rédigé par : Pascal L. | vendredi 15 décembre 2006 à 23h11
Nicolas Sarkozy donneur de leçon...
Nicolas Sarkozy a, au cours du dernier forum UMP, opposé la conception que le général de Gaulle avait du référendum à celle de ses successeurs, en faisant allusion à la consultation du 29 mai 2005, voulue et perdue par Jacques Chirac, sur la Constitution européenne.
Alors que le général de Gaulle voulait en faire un moyen de "relégitimer" le chef de l'Etat, "nous avons assisté à des référendums curieux où si on répondait oui ou si on répondait non ça n'avait aucune conséquence politique nationale" a-t-il précisé.
"Je voudrais rappeler que le référendum du 27 avril 1969 sur la réforme du Sénat et la régionalisation, quand les Français ont dit non, le général en a tiré la conclusion et qu'il est parti", a-t-il ajouté. "Arrêtons de dire qu'on est toujours dans la Ve République du général de Gaulle."
Ainsi s'exprime le Ministre de l'intérieur en campagne présidentielle face à Michèle Alliot-Marie.
Mais rafraichissons sa mémoire. Le président de l'UMP n'a-t-il pas fait campagne pour le "oui" au référendum de 2005 ? La réponse des Français n'a-t-elle pas été suffisamment claire ? Quelle leçon le démocrate Sarkozy a-t-il tirée de sa défaite ? Aucune, sinon celle de contourner, s'il est élu en 2007, le choix du peuple en proposant de passer par la voie parlementaire pour faire adopter une constitution européenne-bis aussi mauvaise pour la France et les Français. Nicolas Sarkozy se veut donneur de leçons, mais peut-on avoir confiance ? La volte-face concernant GDF est suffisamment éloquente pour répondre, une fois de plus, "non".
www.gaullisme.fr
Rédigé par : Alain KERHERVE | samedi 16 décembre 2006 à 00h37
Tout à fait d'accord avec vous Alain, Sarkozy fait surtout de la politique spectacle. Il y aurait beaucoup à dire sur de Gaulle aussi (notamment sur sa nullité en tant que jeune officier), mais force est de constater que dès qu'une initiative est prise pour que, dans l'esprit au moins, elle serve les Français et que les politiques s'y conforment, on retrouve bien souvent cette initiative au fond du premier carton qui traîne...
:(
Rédigé par : Pascal L. | samedi 16 décembre 2006 à 12h07