Nicolas Sarkozy est donc candidat.
Au risque de paraphraser les porte-paroles du PS, c'est effectivement un "non-évènement", en tout cas une non-surprise.
Il plaide la "rupture tranquille", annonce qu'il quittera Beauvau pour faire campagne, qu'il dira tout, qu'il ne s'interdit rien. Comment pouvait-il en être autrement après les quatre années hyper-actives que vient de passer le président de l'UMP-Ministre de l'intérieur-candidat virtuel à l'héritage de Jacques Chirac? On être un mauvais fils et faire un bon héritier, il s'emploie à le dire, sans doute un peu contre ses convictions, dans cette interview accordée collectivement à la presse quotidienne régionale. En tout cas, il sera sans doute, en campagne, par son énergie et sa vitalité, le digne successeur de celui qu'il a tant admiré et tant trahi.
Mais pardon... Mais attendez... A qui avez-vous dit que l'interview avait été accordée ? A la PQR ? Késako ? La presse quotidienne régionale ? Quoi, Sarkozy, ses 4200 interventions télés en quatre ans, ses 1500 UBM/jours (Unité de Bruit Mediatique, qui mesure les minutes d'antenne et les pages des journaux), Sarko le héros de l'audimat, l'ami des medias parisiens, se serait brutalement converti aux vertus des la presse de Province ?
"La presse régionale et ses dix huit millions de lecteurs", plaident ses conseillers en communication, pas peu fier de leur idée, improvisée en 24 heures après des semaines d'angoisses. Faute d'avoir trouvé une façon plus originale de faire se déclarer leur champion, ils font ainsi mine de découvrir les vertus de ce "formidable media-de-proximité-de-masse". Comme Chirac en 95, dans la Voix du Nord, mais lui, il est vrai, n'avait plus avec lui depuis des mois les éditorialistes parisiens et repartait du sous-sol de la Balladurie
La PQR... Voilà l'info : il n'y a donc pas que Paris. Et du coup, voilà que l'on redecouvre Mac Luhan, car si l'interview ne nous apprend rien ou presque, c'est bien dans le choix du media qu'il faut chercher le message : "moi aussi, semble dire Nicolas Sarkozy, je suis le candidat de la Province, de la France d'en bas, de la proximité. Moi aussi, j'aime ce village que Francois Mitterrand avait planté sur ses affiches en 81 (hier "la force tranquille", demain "la rupture tranquille"...). Cette PQR qui, comme par hasard, dans ses éditos comme dans le vote socialiste plébiscite Ségolène Royal (voir enquête IFOP réalisée après les primaires du 16 novembre).
"Correction d'image", analyse paisiblement Jacques Camus, le patron de la République du Centre, qui a été le premier surpris d'être convié hier matin Place Beauvau. On a envie de se demander si les électeurs seront dupes, mais sans doute serions nous alors un brin irréverrencieux...
Alors question : Nicolas Sarkozy a-t-il réussi sa déclaration ou au contraire "raté son entrée", comme l'écrit Libération ?
C'est vrai que le faux départ du 20heures de TF1 la semaine dernière n'était pas un modèle du genre. Mais franchement Rocard (le fébrile), Giscard et Balladur (les monarques), mais aussi Jospin (le fax) avaient fait bien pire. Et toujours aussi franchement, je crois que cet exercice imposé a quelque chose de factice qui ne dit pas grand chose de la suite. Mais ce que dit le choix du media, tout de même, c'est ce que cherche Nicolas Sarkozy : les faveurs de ceux que le système (parisien?) ne reconnait pas, ces "invisibles" qui souffrent loin du microcosme, ce "peuple" qui n'est pas que de Province mais qui en veut tant aux deux camps traditionnels d'avoir si longtemps ignoré ses préoccupations, ses inquiétudes, ses angoisses.
Une présidentielle ne se gagne pas à Paris. Voilà une leçon que ce surdoué médite sans doute depuis longtemps.